• DE SINGULIERS MARIAGES

     

     

     

                         

                             DE SINGULIERS MARIAGES

     

    L'acte de mariage de Jean Pierre Vayssié (né en 1783) a paru longtemps introuvable. Il n'apparaît pas dans les registres d'état-civil numérisés et publiés sur leur site par les archives du Tarn-et-Garonne, qu'on le cherche dans la commune de l'un ou l'autre conjoint, ou au canton, ou même dans les communes voisines. Le registre numérisé de Mouillac, lieu le plus vraisemblable, comporte une lacune entre l'an IV (1796) et l'an IX (1801) de la République, sur laquelle les Archives ne donnent pas d'explication.

    Le contrat de mariage, lui, figure bien dans un registre de notaire de Caylus, à la date du 5 pluviôse de l'an IX. Jean Pierre ayant tout juste dix-huit ans, on peut penser que le mariage a eu lieu ce même mois ou les suivants... jusqu'à ce qu'on reçoive, de la source la plus pertinente, c'est-à-dire la mairie de Mouillac, une copie de l'acte de mariage daté du "quinzième jour de nivôse l'an six de la République (4 janvier 1798) à dix heures du matin".

    Et non seulement le registre conservé dans les archives communales comporte la mention de cet acte, mais pour ces deux années, an V et an VI, il a enregistré une bonne dizaine de mariages dans une commune qui frôlait à peine les trois cents habitants.

    Vérification faite, le registre des Archives départementales ne renferme pour les mêmes deux années qu'une pincée de pages entièrement blanches. Ce n'est donc pas qu'on ait oublié de numériser quoi que ce soit, mais bien que la municipalité de Mouillac du temps de la Révolution a déposé au greffe un registre incomplet.

    À regarder d'encore plus près, on remarque que l'acte de mariage de Jean Pierre Vayssié avec Marie Vidaillac comporte une inexactitude, le faisant naître un 11 janvier alors qu'il est né le 20: comment ne pas penser que c'est pour garantir qu'il a quinze ans révolus, alors qu'il s'en faut de quelques jours*? La fiancée, elle,  a effectivement treize ans... C'est le seul exemple de mariage aussi précoce, dès l'âge légal atteint, qui s'observe dans la lignée des Vayssié depuis le début du XVIIème siècle. Il est probable que l'union n'est devenue réelle qu'après la signature du contrat, soit trois ans plus tard, et qu'elle a été précédée d'un mariage religieux (les curés partis à l'étranger furent autorisés à rentrer par un arrêté d'octobre 1800 et le Concordat signé en juillet 1801).

     

    DE SINGULIERS MARIAGES

     

     

    Enfin, parmi les autres mariages enregistrés l'an V et l'an VI, plusieurs étonnent. Dans deux cas, les deux conjoints sont extérieurs à la commune et ne semblent pas y posséder d'attaches familiales. Surtout, dans trois autres cas, on voit des garçons de quinze ou seize ans épouser des veuves de cinquante et même soixante ans. La seule explication plausible est qu'il s'agissait par tous les moyens de les faire échapper à la conscription: les Mouillacois n'avaient aucune envie que les jeunes gens de la commune partent défendre la République ou étendre ses conquêtes! Or n'étaient réquisitionnables que les célibataires et les veufs sans enfants.  

    On peut vérifier qu'il s'agissait de mariages fictifs en se rapportant aux actes de décès des veuves complaisantes: il n'y est pas fait mention de leur second mariage. Et pas davantage (sauf dans un cas), lorsque les jeunes hommes se remarient avec des jeunes filles de leur génération, n'apparaît leur présumé veuvage.

    On est amené à conclure que, pour éviter des étonnements et des vérifications gênantes, la municipalité s'est bien gardée de transmettre ces actes de mariage au greffe du tribunal du district, les gardant sous le coude pour le cas où... Dans un petit village à l'écart, ce ne devait être ni très difficile ni très dangereux. Mais cela suppose la complicité de tous et une certaine défiance à l'égard de la Révolution et de ses suites.

    *La falsification de cette date de naissance est d'ailleurs insuffisante: le 15 nivôse correspond au 4 janvier... Mais le secrétaire de la mairie de Mouillac semble avoir eu quelques difficultés avec le calendrier républicain et il trouve plus simple de supposer que vendémiaire égale septembre, nivôse janvier, etc. L'acte implique évidemment que 15 nivôse égale 15 janvier, pour qu' avancer du 20 au 11 janvier la naissance de Jean Pierre Vayssié suffise à lui assurer quinze ans révolus.

     

     

     

     

     


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