• ÉTIENNE VAYSSIÉ

     

     ÉTIENNE VAYSSIÉ (1746 - 1790)

     

     

                                                         FRÈRES, ONCLE, NEVEU

     

    Qu'on en soit propriétaire ou tenancier, la terre ne se divise pas; elle ne saurait nourrir un nombre exponentiel d'individus. S'il n'est pas question de droit d'aînesse chez les paysans d'avant la Révolution, on pratique ce qu'on appellera encore en 1950 un "arrangement", avec ou sans contrat notarié.

    Les filles quittent la maison en se mariant, généralement entre vingt et trente ans, à moins d'être héritières uniques. Les registres que j'ai parcourus ne mentionnent que très rarement le décès d'une "fille innupte", c'est-à-dire d'une femme demeurée célibataire.

    Quant aux fils, s'ils se marient, un seul peut prendre, avec sa femme et leurs enfants,  la suite des parents. Les autres doivent s'établir à l'extérieur. Épouser une fille unique, ou une veuve sans enfants, constitue évidemment une aubaine, et l'on voit parfois des actes de mariage entre un garçon de vingt-cinq ans et une femme de quarante. Ce n'était pas le cas de Bertrand Vayssié puisque sa femme, Anne Miquel, était la fille d'un brassier, et pourtant il avait à Mouillac le statut de laboureur, ce qui semble supposer soit qu'il ait racheté une tenure soit qu'elle lui soit échue en héritage.

    Il arrive aussi que l'un des fils ne se marie pas et reste avec son frère et sa belle-sœur; c'est ce qui s'est apparemment passé dans le cas d'Étienne et de Pierre. Mais pourquoi est-ce le cadet qui se marie et non l'aîné? Mystère... à moins que l'amour ne s'en soit mêlé.

    Ce qui est certain c'est que Pierre apparaît constamment à Cavaillé auprès de son frère puis de ses neveux, et qu'il décède "garçon". La mort prématurée de leur père les a-t-elle soudés plus que d'autres? L'un avait deux ans, l'autre cinq. La mort d'Étienne au moment où éclatait la Révolution et alors que son fils aîné n'avait pas dix-huit ans a-t-elle définitivement engagé Pierre?

    En tout cas il est catalogué dans les registres d'état civil comme "Pierre Vayssié, oncle" pour le distinguer de son neveu et filleul qui porte le même prénom; on aurait presque envie de sourire des contorsions stylistiques de l'acte qui enregistre le décès du neveu - à vingt-deux ans -, décès déclaré par l'oncle Pierre et noté par un Jean Bosc, qui est également son oncle, du côté maternel - et que par ailleurs ses toutes nouvelles fonctions d'officier d'état civil encombrent d'une attention scrupuleuse:

        "Aujourd'hui vingt-trois octobre [en marge: je veux dire vingt-trois vendémiaire] mil sept cent quatre-vingt-quatorze [au-dessus: vieux style] troisième année républicaine, (...) par-devant moi, Jean Bosc, officier public (...), sont comparus Pierre Vayssié, cultivateur, âgé de soixante ans, et Pierre Couderc, cultivateur, âgé de vingt-deux ans (...), le premier oncle paternel de Pierre Vayssié, le second proche voisin et cousin dudit Vayssié âgé de vingt ans, lesquels Pierre Vayssié, oncle, et Pierre Couderc, cousin, m'ont déclaré que ledit Pierre Vayssié, neveu, est mort hier à dix heures du soir en son domicile au lieu de Cavaillé (...); et j'en ai dressé le présent acte que Pierre Couderc a signé avec moi, non Pierre Vayssié, oncle du décédé, pour ne savoir de ce requis (...)."

    (Pierre Couderc a épousé Antoinette Bosc, fille de Jean Bosc, cousine de "Pierre Vayssié neveu").

     

     

      

                                         UNE VIE OBSCURE ET BRÈVE

     

    Il n'y a pas d'autre événement visible dans l'existence d'Étienne Vayssié  que les étapes familiales ordinaires. Il tient son prénom, sans exemple dans la lignée, de son parrain, le maçon Étienne Léris, qui mourra à vingt-cinq ans, moins d'un mois avant Bertrand Vayssié. Il a pour marraine la belle-sœur de son père, femme de Raymond Vayssié, de La Salle.

    Sa femme, Marie-Anne (ou Marianne) Bosc, est la fille d'un laboureur de Perrufe, et compte parmi ses frères le Jean Bosc qui sera, après la Révolution, le second officier d'état civil de Mouillac, évidemment parce qu'il est l'un des quelques Mouillacois qui savent écrire: témoin au mariage de sa sœur, ainsi que Pierre, le frère d'Étienne, il est seul à signer avec les deux prêtres présents, le curé de Mouillac et le vicaire de Mazerac où, semble-t-il, la famille Bosc avait des attaches.

    Des cinq enfants du couple, quatre mourront prématurément, les deux filles tout enfants, du vivant de leur père, et deux des garçons après sa mort.

     

          ÉTIENNE VAYSSIÉ  

     

    Mort en 1790, à quarante-quatre ans (et non quarante-huit comme l'écrit le curé), Étienne a-t-il saisi quelque chose de la Révolution? Elle ne paraît pas avoir troublé Mouillac outre mesure avant 1792: jusqu'à cette année-là, c'est toujours le curé qui rédige les actes d'état civil; ensuite un officier élu par le Conseil de la Commune prend le relais, officier pour le choix duquel à Mouillac les possibilités sont évidemment limitées: un petit nombre d'habitants seulement maîtrise l'écriture (mais moins l'orthographe...); en 1801, un maire assisté d'un secrétaire de mairie (qui se trouve être l'agent élu en 1793) le remplace. 

     

     

     

                                   UN ÉCHO DE LA RÉVOLUTION

     

    En 1967, un propriétaire de résidence secondaire, curieux d'histoire locale, interrogea l'un des plus vieux habitants de Mouillac, son voisin, et dactylographia leur entretien.

    "Qu'est-ce qui s'est passé ici à cette époque-là, vous en avez souvenir?

    - Oui, monsieur. Ces souvenirs,  je les ai pour avoir entendu dire à mon père qui tenait ces renseignements de son père et de sa grand-mère.(...) Le grand-père était mort en 1850, et sa veuve était née pendant la Révolution française en 1792; son mari avait douze ans de plus et se rappelait très bien la Révolution. (...)

    - Alors, à la Révolution, quelle a été l'attitude des gens de Mouillac?

    - La population de Mouillac comme des environs était très chrétienne, et même très catholique et pratiquante. Tout le monde aurait été vexé de l'attitude anti-religieuse de la Révolution et surtout de la Terreur, ce qui a laissé un très mauvais souvenir de la Révolution. (...) Alors donc, en 1789, le curé de la paroisse de Mouillac s'appelait monsieur l'abbé Lanusse*; il a été obligé de se cacher et d'exercer son ministère clandestinement.

    - L'église était fermée?

    - Oui. Il paraît qu'on disait la messe dans des maisons, très souvent dans la maison Bouissy-Tillaraou de Cavaillé.

    - Dans la maison où nous nous trouvons?

    - Oui, oui. On mettait un guetteur de chaque côté du village pour voir si quelqu'un arrivait de Caylus ou de Puylaroque, et alors on célébrait la messe. (...) Le curé s'est caché je ne sais où, là où il pouvait; et on dit que notre arrière-grand-mère avait été baptisée dans une cabane dans les bois de Pech d'Auriol. Voilà ce que j'ai toujours entendu dire. (...)

    - Combien de temps est-ce que le prêtre s'et caché, vous ne savez pas?

    - Oh! peut-être, je ne sais pas, trois ou quatre ans.

    - Aussi longtemps que ça?

    - Oui, oui, trois ou quatre ans.

    - Et vous ne savez pas chez qui il habitait particulièrement?

    - Non, non, on ne le disait pas.

    - Mais ça aurait pu se dire depuis? Parce qu'il n'habitait pas dans les bois, sans doute il allait habiter dans des familles?

    - On ne sait pas. Alors, on a fait quand même quelques bonnes choses, quelques bonnes réformes. On a vendu les biens de l'Église. Il y avait un champ de quatre hectares situé près de l'église. (...) Ça s'est vendu, je ne sais à qui. Seulement ce champ appartenait à la famille Besse-Cayla, de Cavaillé, après 1800."

    * En 1789, l'abbé Lanusse n'était encore que vicaire à Vaylats (46), mais il n'est pas impossible qu'il ait été curé de Mouillac à partir de 1792.

     

             ÉTIENNE VAYSSIÉ 

             Cabane en pierre sèche, telle qu'on en rencontre dans les bois de Mouillac.

     

     

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :